Nous sommes de plus en plus submergés par des facteurs générateurs de stress, qu’il s’agisse des notifications incessantes de nos téléphones ou de nos messageries professionnelles, des publicités sur grands écrans dans les boulevards, de la densité urbaine, du trafic, ou encore de la nécessité d’aller toujours plus vite, d’être toujours plus efficace, toujours plus performant. Notre corps réagit en tentant de faire face à ce qu’il perçoit comme une menace. On ressent du stress.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, « Le stress est un état d’inquiétude ou de tension mentale causé par une situation difficile. Il s’agit d’une réponse humaine naturelle qui nous incite à relever les défis et à faire face aux menaces auxquels on est confrontés dans notre vie. Chacun éprouve du stress dans une certaine mesure. Toutefois la façon dont nous réagissons face au stress fait une grande différence pour notre bien-être général. » Nous retiendrons de cette définition 3 éléments qui feront le corps de notre introspection.
I. Le stress, une réponse humaine naturelle
Tout d’abord, le stress, c’est normal ! puisqu’il s’agit d’une « réponse humaine naturelle ». En 1936, Hans Selye décrit les mécanismes physiologiques du stress à travers trois phases :
– La phase d’alarme : l’organisme le stress survient
Lorsque nous sommes confrontés à une situation que notre cerveau considère comme « stressante », l’organisme réagit instantanément (de l’ordre quelques millisecondes) en secrétant des catécholamines, dont l’adrénaline. Ces hormones augmentent la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle… dans le but de préparer l’organisme à réagir en amenant par exemple de l’oxygène aux organes qui vont être sollicités.
– La phase de résistance : lorsque la situation persiste
Durant la phase de résistance, si la situation persiste, l’organisme secrète de nouvelles hormones, les glucocorticoïdes, secrétées par la glande corticosurrénale. Leur but est de maintenir un bon niveau de sucre dans le sang, pour que les muscles, le cœur et le cerveau disposent de l’énergie suffisante pour répondre durablement à la situation stressante.
– La phase d’épuisement : lorsque le stress devient chronique
Lorsque l’effort se prolonge ou s’intensifie, l’organisme s’épuise. Submergé de cortisol, l’équilibre interne est perturbé et les réserves en énergie s’appauvrissent, entrainant toutes les conséquences néfastes que nous avons sans doute déjà expérimentées : fatigue, irritabilité, baisse de l’immunité, troubles du sommeil, problèmes métaboliques, prise de poids… Si les
premières phases de réaction s’accompagnent d’une hyperactivité de l’axe corticotrope (une partie du cerveau), la phase d’épuisement s’accompagne d’une hypoactivité de ce même axe.
Ainsi, le stress nous rend quelques peu « surhumain » car il pousse notre cerveau à libérer des hormones qui nous rendent capable de braver ou de faire ce dont nous ne serions pas capables habituellement. Mais comme le souligne l’OMS, tout est question de mesure et le stress n’est efficient que lorsqu’il ne s’étend pas trop dans la durée, au risque de dépasser les capacités d’adaptation de l’individu.
II. Le bon et le mauvais stress
Par ailleurs, il existe des différences entre les individus dans leur manière de réagir au stress. « Les modes d’adaptation et les symptômes du stress varient d’une personne à l’autre » souligne l’OMS. La manière de gérer le stress serait donc tout aussi importante que le ressenti du stress en lui-même.
Prenons un exemple : deux ballerines ont travaillé avec la même assiduité pour un spectacle et ont le même nombre d’années de pratique. Mais lors de la présentation, l’une a eu un trou noir et l’autre n’a jamais aussi bien dansé de sa vie. Pourtant, physiologiquement, ces deux ballerines ont eu les mêmes réactions : un taux d’hormones du stress élevé (Cortisol et Adrénaline), un rythme cardiaque accéléré et une tension au plus haut. Comment donc expliquer cette différence d’adaptation au stress ? Hans Selye fait une distinction intéressante dans le phénomène du stress en parlant de « Distress » et d’« eustress » :
– Le « mauvais stress » ou « distress » est une réaction associée à des pensées négatives. Concrètement au niveau du cerveau, notre pensée est paralysée : des réactions en chaine inhibent notre cortex préfrontal, siège de la pensée rationnelle.
– Le « bon stress » ou « eustress » lui, est une réaction associée à des pensées positives. C’est celui qui nous confère les superpouvoirs évoqués plus haut. Ici, c’est le système de récompense qui est activé. L’« eustress » produit des hormones comme la dopamine, la noradrénaline, l’acétylcholine, tous acteurs dans le bien être, la concentration, la motivation, en bref, l’amélioration de nos capacités mentales et physiques et même le renforcement de notre système immunitaire.
Ainsi, le stress est surtout et avant tout ce qu’on l’autorise à être. Il dépend fortement de la manière dont on appréhende mentalement une situation.
III. Se reconditionner pour parvenir au bon stress
Avec toutes les réponses apportées par la science, aucun être humain ne devrait souffrir de ce mauvais stress, s’il ne s’agissait que de se répéter de bonnes paroles positives et de dédramatiser les situations stressantes auxquelles nous sommes confrontés. En effet, la mauvaise nouvelle,
c’est qu’une réaction au stress est quasi automatique, de l’ordre de quelques millisecondes. Il semble donc impossible d’exercer une influence sur le stress avant que celui ne survienne.
Notons que si le « distress » est majoritaire parmi nous, c’est parce que notre cerveau considère bien des situations banales du quotidien comme dangereuses. « Il prend cette décision à notre insu ». De plus, la société que nous connaissons actuellement n’est apparu qu’il y a 1 ou 2 générations (notamment avec l’arrivée d’Internet en 1969) lorsque notre cerveau est le résultat de plusieurs milliers de générations d’hommes des cavernes, dont les difficultés à survivre étaient nettement plus évidentes. Notre cerveau ne s’est donc pas encore adapté, alors nous souffrons de nos notifications comme s’il s’agissait d’attaques d’animaux sauvages.
Pour résoudre ce décalage, nous pouvons nous servir de ce que le cerveau considère comme des repères. « C’est à la mesure de nos expériences que notre stress s’ajuste ». En effet, un regard bienveillant, peu condamnateur et plus de résilience sur nos expériences et sur le stress nous aiderait à reconditionner notre cerveau pour les fois où il serait exposé à des situations stressantes. Et pour cela, nous disposons d’un avantage énorme qui est la plasticité cérébrale. Elle permet de modifier les connexions et la structure du cerveau à n’importe quel âge. Nous pouvons donc reconditionner nos réactions au stress et notre vision de celui-ci, tant que nous nous entrainons beaucoup et souvent, de manière à obtenir une réponse au stress qui correspondrait plus à l’« eustress » qu’au distress.